"Les gars moi j’aimerais bien gagner, parce que je n’ai pas encore gagné cette saison." Alors que Noka Serdarusic vient de terminer son discours d’avant-match devant la sélection française du Hand Star Game, le 15 décembre dernier à l’AccorHotels Arena Sylvain Kieffer s’est permis un petit brin d’humour. Une saillie qui a tout de suite fait mouche, déridant même son coach, d’ordinaire plutôt flegmatique. Une intervention pleine de fraîcheur pour l’ailier droit de Chartres qui, du haut de ses 32 ans, comptait bien profiter à plein de sa sélection parmi les meilleurs joueurs de notre Division 1. "Jouer au Hand Star Game, je n’y aurais jamais pensé. Alors je prends beaucoup de plaisir à vivre ces moments-là", confirme-t-il.
Un état d’esprit qui tient beaucoup au parcours pas toujours rectiligne de sa carrière. Du haut de son mètre 69, Sylvain Kieffer n’a en effet découvert le professionnalisme qu’à l’âge de 23 ans, du côté de Nantes. Originaire de la région lyonnaise, le gaucher évolue alors à Vénissieux, en Nationale 2. "Nantes évoluait en Division 2, et avait perdu ses deux ailiers droits. Mon ami Anthony Lambert, qui est passé par le centre de formation de Chambéry, a parlé de moi au coach, Stéphane Moualek, qui s’est renseigné sur moi, et j’ai finalement débarqué sans faire d’essai en Division 2. L’aventure a démarré", se souvient-il. Une aventure ligérienne qui ne dure qu’une saison, puisqu’au bout d’un an, il répond aux sollicitations d’Angers, écartant l’offre nantaise.
"Une belle saison à Bordeaux... terminée sur un beau dépôt de bilan"
"Angers était un grand club, j’avais une proposition intéressante… mais mon choix n’a pas vraiment été payant puisque on est descendus en Nationale 1, et Nantes est monté en Division 1. C’est la vie…", sourit l’ailier droit, qui va vite rebondir du côté de Saintes, dirigé par Franck Maurice, l’actuel entraîneur de Nîmes. "On a passé quatre belles années, puis ça s’est terminé sur une liquidation. Je suis resté une année de plus en Nationale 1, pour finir la belle aventure humaine qui nous liait, raconte celui qui s’était investi pleinement dans le club, en prenant en main les -18 ans. J’ai eu ensuite l’opportunité de rebondir à Bordeaux, qui portait un projet vraiment intéressant. L’objectif était de découvrir la D1 via une montée avec les Girondins. On a fait une très belle saison, qui s’est terminé avec un très beau dépôt de bilan…"
Là encore, le chemin de la Division 1 se ferme pour le gaucher qui jure que son physique atypique (1,69m, 62 kilos) n’a jamais été un frein. "Il rêve de continuer à grandir", rigole pourtant Nebojsa Grahovac, son partenaire à Chartres. "J’aurais peut-être pu avoir ma chance plus tôt, mais ça ne m’a jamais empêché de continuer mes petites aventures, répond Sylvain Kieffer. Je savais qu’un club de Division 1 aurait du mal à miser sur moi, il fallait juste trouver le bon club de Division 2 qui me permettrait de monter en D1 sportivement." L’opportunité se présente finalement au début de la saison 2013/2014, avec le CMHB28. "C’était un club structuré et financièrement sain. C’était mon premier gros gros club, puisqu’à l’époque, Nantes n’était pas le club de maintenant. Il y avait l’ambition de monter, et les moyens mis en oeuvre derrière."
Une sélection au Hand Star Game, puis à la CAN
Passés par les playoffs, les Chartrains ont validé leur monté en juin dernier, permettant au natif de Vaulx-en-Velin d’enfin découvrir l’élite du handball français. Une découverte qui s’est faite sans trop de soucis, puisqu’au terme de la première partie de saison, le gaucher pointe à la huitième place du classement des buteurs, avec 69 buts au compteur. "C’est un ailier atypique, puisqu’il prend souvent appui sur sa jambe gauche, ce qui perturbe les gardiens. Il ne saute pas forcément très haut, mais tire assez rapidement, décrit Nebojsa Grahovac, son gardien. Et puis dans le groupe, c’est quelqu’un de moteur. Il est toujours à 100%, que ce soit à l’entraînement ou en match. Bon, après il fait beaucoup de blagues, et certaines ne passent pas… Mais il essaye quand même."
Un moteur pour son équipe qui lui porte un regard aigre-doux sur son début de saison. "Personnellement, je suis très content, mais je ne pourrais pleinement savourer qu’une fois qu’on aura gagné des matches. Le plus important ça reste le collectif. Tout ça est un peu frustrant. Je peux moins exprimer ma joie personnelle", note-t-il, toutefois ravi d’avoir terminé son année avec le Hand Star Game, et une sélection avec l’équipe d’Algérie, pour la CAN. "Ce sont des choses que je n’aurais jamais pu imaginer, je savoure vraiment, conclut-il, avant de se tourner vers la suite. Déjà on veut gagner un match, pour ensuite en gagner deux, puis trois. Individuellement, je veux continuer sur ma lancée car ce que j’ai fait est bien mais ce n’est pas acquis. Il faut confirmer. Je veux prendre aussi du plaisir. Sportif, c’est bien, mais ça dure pas donc on en sait pas ce que l’avenir nous réserve. Ensuite, bien sûr que j'ai envie de rester en D1. Une fois qu'on y a goûté... Mais s'il faut pour cela repasser par la D2 à cause d'une relégation, je ferais tout pour remonter..."
Benoît Conta
Crédit photos: LMP / Eric Baledent