"On va rencontrer le Team USA du handball." International belge de son état, Thomas Bolaers a le sourire à l’idée d’affronter l’équipe de France. "C’est un match pour se faire plaisir, un match que l’on a mérité, ajoute son coéquipier, Thomas Cauwenberghs. J’ai 31 ans et je vais affronter la France. Je vais avoir cette chance deux fois dans ma carrière. Combien de joueurs n’ont et n’auront pas cette chance ?" Une double -confrontation, dont la première manche est prévue dimanche à Liège, que l’équipe de Belgique est allée chercher à la force du poignet, pour mieux récompenser la récente progression d’une équipe pas vraiment habituée à s’inviter à la table des plus grands.
Dans un pays où le handball n’a qu’une place mineure, la Fédération se débrouille avec quelques bouts de ficelle pour tenter de développer son sport. C’est en 2011 qu’elle décide de confier les rênes de son équipe nationale à Yérime Sylla, qui va tenter d’apporter un nouveau souffle aux Red Wolves. Alors que le seul Bram Dewitt - passé par Ajaccio, Cesson, Semur et Istres - a franchi le Quiévrain pour exporter ses talents chez le voisin français, celui qui entraîne alors Dunkerque, a notamment pour ambition de tenter de convaincre ses joueurs d’eux aussi sauter le pas vers la Lidl Starligue et la Proligue. "Il m’a donné envie de partir à nouveau, de tenter ma chance", reconnaît Thomas Bolaers, rentré au pays après être passé par le centre de formation d’Istres.
"Bram était tout seul, maintenant on est trois"
Rentré pour terminer ses études de kiné, l’arrière gauche finit pas se laisser convaincre et s’engage avec Vernon, en 2013. "Il me fallait mon diplôme, c’était une évidence avant d’envisager quoique ce soit dans le handball", souffle l’actuel Billérois, également passé par Besançon. Un an plus tôt, c’est Thomas Cauwenberghs qui avait passé la frontière, pour s’engager à Angers, avant de poursuivre sa carrière à Mulhouse, puis à Ivry, avec qui il a découvert la Lidl Starligue. "Quand Yérime et Raggi (Oskarsson, ndlr) sont arrivés, ils m’ont dit que j’avais les capacités pour le faire. Je me suis sans doute lancé trop tard mais au final, l’expérience est très belle, note l’ailier droit. Mais quand je suis parti, les gens me disaient: « Mais t’es complètement con ! ». Je quittais un CDI et je gagnais plus que ce que je gagne actuellement… C’était une vraie prise de risque mais ça en valait la peine."
Une prise de risque qui aura donné des idées à Jef Lettens, passé par Saran et désormais à Cesson-Rennes, mais qui n’a pas forcément créé un appel d’air énorme. "Bram était tout seul, on est actuellement trois. D’autres vont peut-être débarquer. Si l’équipe nationale veut grandir, ça passe par là, c‘est sûr. Mais je ne sais pas si ça va arriver dans l’immédiat…", glisse l’Ivryen, alors beaucoup de ses coéquipiers préfèrent rester au plat pays qui est le leur. "Je pense qu’on a pris conscience qu’il y avait de très bons joueurs en Belgique, mais certains ne partent pas car ils ont un travail ici et ne souhaitent pas sauter ce pas", explique Thomas Bolaers.
"On garde un côté amateur qui nous va très bien"
D’un point de vue plus interne, le championnat belge reste amateur, mais il a vu ses meilleures équipes intégrer la BeNe League, championnat qui réunit les meilleures équipes belges et néerlandaises. "Ce sont des joueurs qui jouent tout de même des rencontres de haut niveau, des rencontres de Coupe d’Europe. Cette année, Bocholt a joué la tour qualification de la Ligue des champions, note Thomas Cauwenberghs. Ils n’ont rien à nous envier. C’est juste que nous on est payés à faire du handball toute la journée. Eux c’est après leur journée de boulot." Un cocktail qui donne un état d’esprit particulier à cette équipe. "On garde un côté amateur qui nous va très bien, sans prise de tête".
De quoi s’offrir le scalp de la Turquie la saison passée, pour s’inviter aux qualifications pour l’Euro 2018. Une première pour cette génération. "On est pas si nuls que ça, sourit Bolaers. De là à dire qu’on va faire de grandes choses il faut se calmer, mais on s’est offert de belles affiches, avec ce groupe où il y aura la France, mais aussi la Norvège, qui est une grande nation européenne." Et s’il a fallu se déplacer en Scandinavie mercredi (défaite 35-26), c’est bien ce Belgique-France qui a appâté les médias belges. "On ne parle que de ce match, reconnaît le Billérois. Il y a un engouement qui se fait autour de nous. C’est tant mieux pour le handball belge."
Etre diffusés en direct, une première !
Un point de vue partagé par son coéquipier. "C’est sans doute notre plus grosse réussite. On aura notre match en direct sur la télévision francophone et flamande ! On était déjà passés dans le Stade 2 belge après notre victoire face à la Turquie, mais là c’est encore mieux. A part le football, c'est rare d’avoir un sport collectif belge en direct, se réjouit l’ailier droit. C’est aussi comme ça que l’on va pouvoir attirer des sponsors. On est très peu subventionnés par l’Etat, alors là si on offre un peu de visibilité c’est bien, car tu as un vrai produit à vendre. On est vraiment ravis de voir nos trois matches à domicile diffusés."
Une vraie réussite qui devrait éclipser le résultat final de cette rencontre. "On va défendre nos chances, mais on veut surtout se faire plaisir. C’est comme si on disputait un match de Coupe de France face au PSG. Il faut avant tout se faire plaisir", conclut Thomas Bolaers. Même son de cloche sur sa droite. "L’objectif c’est de donner du plaisir au public et en prendre nous. On sait que le public ne va pas forcément venir pour nous voir jouer nous, mais ils verront du beau monde. L’objectif c’est qu’en sortant c’est que certains aient cette envie d’eux aussi faire un match comme celui-là. Ce sera déjà un sacré pas dans notre progression…"
Benoît Conta