"Je ne regrette rien." Vincent Gérard n’est pas franchement du genre à regarder au-dessus de son épaule. "Une carrière est faite de points positifs mais aussi de points négatifs. Quand on fait du sport de haut niveau, il faut accepter ça." Un recul qui guide le portier depuis le début de sa carrière, du côté de Metz, où il naît en le 16 décembre 1986. Ses deux parents handballeurs, le jeune Vincent se dirige tout naturellement vers la petite balle pégueuse à l’âge de 10 ans, après avoir testé divers sports. Rapidement, il s’installe dans le but. "Je ne me rappelle pas l’avoir déjà vu jouer dans le champ, note son frère, Yvan, de deux ans son cadet. Je pense d’ailleurs qu’il ne vaut mieux pas que ça arrive." De son côté, le grand frère ne se souvient plus très bien. "Je crois surtout que j’avais envie de jouer tout le temps, et jouer gardien était le moyen le plus simple pour y parvenir", sourit-il.
Rapidement, les qualités percent chez celui qui prend alors comme modèle l’inévitable Thierry Omeyer et l’Allemand Henning Fritz. "J’ai grandi assez tard donc j’ai essayé de me comparer à des gens de mon gabarit", souffle celui qui ne bifurque pas vers un centre de formation comme le reste de ses camarades, préférant rester à Metz, en Proligue, pour deux saisons. Un choix qui lui permet de rester plus assidu dans les études, lui qui possède désormais un Master 2 à l’école de commerce de Grenoble. "Ce fut très important pour mon équilibre, de pouvoir penser à autre chose. Dans les bons moments ça évite l’euphorie et dans les mauvais ça permet de penser à autre chose, estime-t-il. Quand tu perds un match et le lendemain tu es sur Skype pour un cours, le prof il s’en fou complètement de ton match de la veille. Ca permet de remettre les choses à leur place car on tourne vite en rond dans ce milieu, et ça ne me convient pas."
Un caractère à dompter
A 20 ans, Vincent Gérard décide tout de même de sauter le pas, pour s’engager avec Montpellier, la référence handballistique au sein de l’Hexagone. Une expérience de deux ans qui se révèlera être un échec, puisque le gardien de but ne s’y impose pas et décide de s’engager avec Istres. "A l’époque, j’ai compris pourquoi je n’ai pas été gardé, souligne le portier. Je découvrais le monde pro, le plus haut niveau. Mais j’ai beaucoup appris. Et puis rien ne dit que si j’étais resté à Montpellier j’en serais là." Toujours est-il que moins d’un an plus tard, il signe un exploit retentissant en écoeurant presque à lui tout seul Montpellier en finale de la Coupe de la Ligue, disputée du côté de Miami. "Il n’y avait pas de rancoeur, non, juste la satisfaction de remporter un titre avec cette équipe, qui était plus habituée au bas du classement", souffle le Mosellan, qui décolle un an plus tard vers Dunkerque, où il restera cinq années.
Une étape fondamentale dans la carrière du joueur, qui se pose enfin. "Cinq années dans le même appartement, ça fait du bien, sourit-il. Et puis, avec cette équipe, on a gagné tous les titres nationaux. Ce fut une satisfaction autant humaine que sportive." C’est aussi à Dunkerque que Vincent Gérard tente de dompter son bouillonnant caractère. "Il a pu être à la limite de l’insupportable parfois, reconnaît son frère, ailier gauche à Aix. Mais quel grand gardien ne l’est pas ? Il a pu renvoyer l’image d’un « petit con », mais d’une part je pense que pour prendre le pas sur un tireur il faut être un peu truqueur, chambreur, et de l’autre il faut différencier l’homme du gardien de but." De son côté, le principal intéressé n’aime pas forcément aborder le sujet. "Je suis quelqu’un d’expansif qui montre ses émotions, qui aime partager le public. J’aime aussi un peu brancher mais c’est beaucoup moins le cas désormais. J’en faisais sans doute trop, et j’essaie de plus doser désormais. Ca fait partie de mes axes de travail."
C’est également grâce à son passage à Dunkerque qu’il décroche sa première sélection avec les Bleus, en avril 2013, suite à la retraite de Daoudé Karaboué. Profitant de la blessure de Thierry Omeyer, il devient même champion d’Europe en 2014, mais reste derrière Cyril Dumoulin dans l’esprit de Claude Onesta, qui ne le convoque pas pour le Mondial 2015, au Qatar. Le sélectionneur estime à l’époque que Vincent Gérard est moins susceptible de se glisser dans la peau du numéro 2, une position qu’il n’a jamais connu. "On a pu m’imaginer difficilement dans ce rôle, mais je sais m’adapter, je sais comment fonctionne un groupe. Et si on a pu penser que je ne m’adapterais pas à cause de mon caractère, je pense avoir prouvé le contraire", conclut celui qui dispute sa troisième compétition de suite dans le rôle de lieutenant de Thierry Omeyer, avec qui il semble avoir noué une vrai complicité. De quoi former un duo performant à même d'assurer aux Bleus une belle sécurité tout au long de la compétition.
Benoît Conta
