On imagine aisément la scène. Nous sommes mercredi soir, un peu avant 20h, du côté de l’Arena du Pays d’Aix. Après avoir vu tous ses coéquipiers pénétrer un à un sur le terrain, le numéro 92 du Pauc voit son tour arriver. Les émotions se bousculent dans son crâne, le public est debout. Cette fois, c’est officiel: Théo Derot est de nouveau un joueur de Lidl Starligue. Un constat qui fait du bien. Tout simplement. "Ce ne sera que du bonheur", souffle le principal intéressé.
Pour comprendre le soulagement, il faut remonter neuf mois plus tôt, à la fin du mois d’août. Théo Derot est gêné par une boule sous le bras et un choc lors du tournoi amical de Doboj, en Bosnie, le pousse à passer un examen de contrôle. Le diagnostic tombe, implacable: c’est un lymphome hodgkinien, un cancer du système lymphatique. Démarrent alors de longs mois de traitement, avec un total de 16 séances de chimiothérapie et une trentaine d’hospitalisations en cinq mois.
"Se sentir soutenu comme ça..."
Une épreuve qui marque. "Ce que je vais dire, ça ressemble à du bla-bla, mais quand tu passes par là, c’est ce qui ressort, souffle-t-il. Ce que je retiens de cette période difficile, c’est que j’ai relativisé énormément de choses. J’ai pris conscience de tous ces petits moments précieux que la vie nous offre comme celui de se lever chaque matin et de vivre de sa passion. Pour moi le fin mot de l’histoire, c’est que même la normalité de la vie est plaisante."
Un constat tout simple, comme les innombrables messages de soutien qu’il aura reçu d’un peu partout, et notamment du monde du handball. "C’est très important. Se sentir soutenu comme ça, ça donne de la force. J’ai reçu des messages, des sourires, des mots qui m’ont redonné le moral dans les moments difficiles. Ça m’a aidé moi, mais aussi toute ma famille qui a été vraiment touchée, glisse-t-il. Je garderai ça pour moi tout ma vie. Je n’oublierai rien."
Il n’oubliera pas non plus la première fois qu’il a envisagé son retour sur les terrains. "Quand les premiers examens sont tombés et que j’ai su que la maladie était en rémission, j’ai commencé à me demander quand je pourrais rejouer. Et puis, ça a été en s’améliorant et l’envie a été grandissante, se souvient l’international tricolore, qui reprend même une activité physique au mois de décembre. Je n’en pouvais plus d’être à l’arrêt, je voulais m’aérer la tête et ’ai fait un peu de sport avec mon kiné. Il fallait juste éviter les lieux trop publics car mes défense immunitaires étaient encore assez basses."
Rendez-vous le 30 août prochain !
Il faut ensuite attendre un mois de plus, et la fin du mois de janvier pour siffler la fin du match face à la maladie. Théo l’emporte. Haut la main. "Quelques jours après la dernière chimio, j’ai fait mes sacs et je suis reparti à Aix. Il me fallait retrouver une vraie vie sociale. Je n’en pouvais plus d’être entre chez mes parents et l’hôpital, sourit celui qui retrouve alors le groupe aixois. Je ne m’entraînais pas avec eux mais sur le côté, avec le préparateur physique. Rien que ça, c’était un immense soulagement. Après avoir passé beaucoup de temps seul, je me suis retrouvé à rigoler avec les mecs. La vraie vie quoi…"
Celui qui a perdu 10 kilos durant sa maladie charbonne alors pour retrouver ses qualités physiques. Il lui faut ensuite attendre la fin du mois de mars pour retrouver le ballon. "Il fallait m’enlever mon « Port-a-Cath » sous la peau. Une fois que les points de suture ont sauté, j’ai pu rejouer avec les gars, explique l’Aixois. Je n’avais pas vraiment d’appréhension sur le physique, non... En fait j’en avais plus sur le jeu, le fait de retrouver les automatismes, les courses, les tempo, même mon tir. C’est d’ailleurs ça qui a mis un peu de temps à revenir."
Tout est une question de point de vue puisque quelques jours plus tard, samedi dernier, le voilà aligné avec la réserve, face à celle de Saint-Raphaël. Quatre buts au compteur. De quoi convaincre Jérôme Fernandez de convoquer celui qu’il imagine utiliser à terme en tant que demi-centre, mercredi, face à Ivry. "Ce match, c’est un match pour les gars. On doit s’imposer pour marquer des points en vue d’une qualification européenne. Moi si je joue quelques minutes, ce n’est que du bonus, conclut Théo Derot. Mon objectif c’est d’être à 100% le 30 août, pour la saison prochaine. Là, on peut juste dire que je suis en avance."
Benoît Conta
Crédit photo: PAUC et Instagram Théo Derot