On est tombé sur l'histoire un peu par hasard. Quelques lignes dans la presse quotidienne régionale, racontant que Mathias Soltane, l'ailier droit du Grand Nancy Metropole Handball, file un petit coup de main à une boulangerie ces jours-ci. Ni une, ni deux, on décroche notre téléphone, histoire d'en savoir un peu plus. Et celui qui a posé ses valises en Lorraine à l'été 2014 est presque gêné d'en parler. "Je ne faisais vraiment pas ça pour ça. En ce moment, je suis confiné à Strasbourg et ça m'a paru normal d'aider. Je ne pouvais pas aller à l'hôpital parce que je n'ai pas les qualifications, alors je suis allé proposer mon aide à la boulangerie en bas de chez moi et ils n'ont pas dit non" sourit-il, avant de commencer à dérouler le fil de sa vie. "J'ai mon CAP de pâtissier, et j'ai bossé dans le milieu quand j'étais jeune. Je ne suis certainement pas le meilleur, mais faire une baguette, c'est dans mes cordes !"
Loin d'être une passion, la pâte à pain a d'abord été une nécessité pour le jeune Mathias Soltane, qui a commencé à passer son diplôme dans le domaine quand il avait quinze ans. "Franchement, je détestais ça, mais il fallait ramener de l'argent à la maison" raconte celui qui, depuis quelques temps, n'a plus besoin de faire cohabiter boulot et ballon. Pourtant, les 3/8 à l'usine, le camion de chauffeur-livreur et, plus tard, le rôle de moniteur d'auto-école ont souvent rythmé ses journées. "L'auto-école, j'adorais ça. Je prenais deux élèves le matin, quatre l'après-midi, j'allais à l'entrainement avant et après, le rythme me convenait. Je me suis toujours dit que plutôt que de jouer à la console, autant aider et ramener de l'argent à la maison" continue celui qui a laissé les volants de côté il y a cinq ans.
" Privilégier mon avenir professionnel"
Tout cela semble bien loin, alors qu'une petite fille est venue remplir sa vie il y a quelques années. A 33 ans, Mathias Soltane est tiraillé, entre une envie de jouer encore débordante et une situation à Nancy qui ne le satisfait pas. Ennuyé par son épaule pendant un an, il s'est fait opérer en fin de saison dernière, et ce n'est vraiment qu'en février qu'il a fait son retour sur les parquets. Mais, entre-temps, on lui a fait comprendre que le train était peut-être passé. "J'ai encore envie de jouer, je suis en pleine forme. C'est vrai que j'ai passé une année de merde avec deux blessures, dont l'épaule, mais pour moi, c'est du passé" résume celui qui n'apparait presque plus sur les terrains, après avoir figuré dans les meilleurs buteurs du championnat il y a quelques années. "Désormais, je vais privilégier mon avenir professionnel. Mais pour être franc, j'ai encore du mal à me dire que je vais arrêter."
Et s'il fallait arrêter, quelle serait la nouvelle vie de Mathias Soltane ? L'ailier pourrait bien se tourner... vers l'immobilier, rajoutant une nouvelle corde à son arc. "J'ai vraiment envie de quelque chose qui me plaise. Et l'immobilier, à ce moment de ma vie, ça me tente. J'avais déjà des contacts avec une agence établie sur Nancy, mais avec la crise, tout s'est un peu arrêté" souffle-t-il. La priorité, si arrêt il y a, sera donnée à sa femme, qui travaille comme kinésithérapeute sur Nancy. "Elle m'a suivi toute ma vie, là, elle a quelque chose qui lui plait, donc ça me parait normal de lui rendre la pareille" termine-t-il. Avant d'espérer sortir par la grande porte avec le club où il sera resté le plus longtemps dans sa carrière, car il n'y restera pas la saison prochaine, quoi qu'il arrive. Parce que même quand on a eu 1001 vies, on veut toujours garder des bons souvenirs de celles qui nous ont marquées.
Textes et photo : Kevin Domas