"Une évidence." Voilà comment la carrière de Franck Maurice dans le handball a démarré, à la toute fin des années 70. Né en 1971, le jeune Franck et sa troupe d’amis habitent Gagny, et se retrouvent vite à pousser les portes du gymnase Marcel-Cerdan. "C’est la capitale française du handball à l’époque", explique l’intéressé. "Dans les écoles, on était tout de suite orientés vers ce sport, ajoute Benjamin Fadhuile, son ami d’enfance. On faisait ça pour être avec les copains et les copines, pour s’amuser. Il n’y avait pas de rêve de carrière derrière. Franck préférait d’ailleurs collectionner les figurines de la Guerre des Etoiles ! (rires" C’est au sein de ce cocon, où passeront notamment Philippe Gardent, Thierry Perreux ou Eric Cailleaux, que le jeune Franck va tout de même façonner son rapport au handball.
"Gagny, c’était une grande famille. Il y avait toujours des choses qui étaient organisées pour que l’on soit ensemble. Des stages pendant les vacances, des voyages, des goûters. Ce n’était pas encore l’apéro mais on était tout le temps ensemble, se remémore Fadhuile, qui entraîne désormais le club de Torcy, en Nationale 2. Et je pense que si Franck a fait carrière, c’était surtout parce que c’était un homme d’équipe. Il a toujours eu cette sensibilité, toujours été dans le respect mutuel." Une carrière qui emmènera l’ailier gauche ou demi-centre de Gagny à Nîmes, en passant par Ivry, l’ACBB ou l’OM 13. "C’était les débuts du professionnalisme, se souvient celui qui fut champion de France en 1997. On en avait surtout les avantages. On s’entraînait un tout petit plus qu’avant. Mais avec tout de même du travail en plus, j’aurais sans doute eu une carrière différente."
Besançon puis Saintes pour commencer
Une carrière de joueur qui va se stopper en 2002, presque sur un hasard. "J’étais au jubilé de Laetita Pierrot, une amie de mon épouse, organisé au pôle de Besançon, et j’ai appris qu’ils cherchaient un technicien pour le pôle masculin. Il me restait un an de contrat à Nîmes, mais j’ai décidé de sauter le pas. Je commençais à en avoir plein le dos des préparations, je venais d'avoir ma première fille... C’était pour moi le moment juste", se souvient-il. Un hasard qui n’en est toutefois pas vraiment un puisque Franck Maurice avait soigneusement passé ses diplômes durant sa carrière. "Dès qu’il a été pro, il a entraîné les jeunes, ajoute Benjamin Fadhuile. Quand il était jeune, il était aussi arbitre. Il a toujours été investi dans le handball, et a occupé un peu tous les postes."
La carrière de joueur désormais rangée dans le placard, Franck Maurice démarre celle de technicien avec une appétence non dissimulée. "J’ai commencé avec des gamins, avant de basculer sur la N1, pour monter dès la première saison sur un dernier match épique face à Belfort, se remémore le technicien. J’ai passé six ans là-bas qui m’ont vraiment permis de m’enrichir." En 2008, le coach file ensuite du côté de Saintes, où il va passer cinq saisons là aussi formatrices. "Pour nous, c’était une superbe aventure. Il a nous a permis de faire de grandes choses avec des moyens limités", confirme Sylvain Kieffer. "Il faut quand même dire que l'on vivait au-dessus de nos moyens, tempère celui qui fut élu coach de l’année en Proligue, en 2010. Mais on a réussi à proposer un certain style de jeu, à sortir des joueurs comme Sylvain Kieffer, Jérémy Sargenton ou Florent Ferreiro. Ce sont des mecs qui te marquent. Et même si la dernière saison, celle du dépôt de bilan, fut difficile, tout ça forge le caractère."
Un coach proche de ses joueurs et fin tacticien
Un caractère et un style proche de ses joueurs. "C’est quelqu’un qui a de grosses valeurs humaines, souligne Kieffer, désormais à Chartres. Et de l’autre côté, les entraînements étaient variés, avec beaucoup de jeu. Ce n’était pas monotone. C’était juste un peu plus compliqué la dernière saison puisqu’on n’était que 7 ! (rires)" Une proximité avec ses joueurs que Franck Maurice ne revendique pas plus que cela. "Je suis comme je suis. Je ne suis pas différent à l’entraînement de ce que je suis à la maison. Je ne suis pas là pour créer un personnage, estime-t-il. Et puis les joueurs préfèreront toujours avant tout un entraîneur qui les fait gagner." Et gagner, le technicien ne peut plus le faire à Saintes, où le dépôt de bilan est définitif à la fin de l’exercice 2012/2013. L’heure pour le hasard de se pencher à nouveau sur son destin. "J’étais en formation à l’Insep avec Jérôme Chauvet, qui entraînait Nîmes. Il m’a dit qu’ils cherchaient quelqu’un pour diriger le centre de formation, et que ça pouvait me permettre d’intégrer le club et d’être connu de tout le monde si jamais un jour il venait à quitter son poste… Au final, c’est allé plus vite que prévu."
Jérôme Chauvet quitte en effet son poste en novembre 2014, et voilà Franck Maurice à la tête d’une équipe de l’élite, son véritable objectif. "En une semaine je suis passé d’un match de la réserve en N2 à un déplacement à Saint-Raphaël. Je n’ai pas eu le temps de cogiter", souffle celui qui se met vite au travail, notamment sur le plan tactique. "C’est un très fin tacticien. Il prépare énormément ses matches. Même si tu ne fais pas de vidéo, avec lui, tu sais ce que tu vas trouver dans le match, avec les points forts et les points faibles des équipes adverses", glisse Julien Rebichon. "Il est toujours dans la recherche de nouveaux trucs, de nouvelles idées, abonde Benjamin Fadhuile. Il a de toute façon toujours aimé le jeu en lui-même, quel que soit le sport. Il maîtrisait rapidement la technique et la tactique quand il essayait un nouveau sport."
C’est au handball, et désormais à Nîmes que le technicien met finalement peu à peu en place son projet, celui de construire une équipe capable de trouver assez de régularité pour aller titiller le Top 5 de Lidl Starligue. "On essaie de construire un projet cohérent, en y allant étape par étape. Je pense notamment que l’apport des Islandais (Gudjonsson et Halgrimsson) nous fait basculer dans un quelque-chose de plus rigoureux. Il faut trouver le savoureux cocktail entre les valeurs de combat chères aux Nîmois et cet aspect plus froid que les Islandais développent, décrypte-t-il. J’essaie de créer un cadre pour que les joueurs s’expriment. C’est moins fermé qu’à certains endroits mais c’est une manière de responsabiliser les joueurs. Il faut prendre en compte le groupe, les compétences des joueurs, mais aussi les demandes d’un public qui veut que les joueurs se mettent minables sur le terrain." Un cocktail pour le moment maîtrisé puisque à une rencontre de la trêve, l’Usam pointe à la sixième place…
Benoît Conta