Pour certains, le handball est une marmite dans laquelle les parents les ont plongés et dont ils ne sont jamais ressortis. Mais pour d’autres, c’est l’effet complètement inverse. Et dans cette catégorie, vous pouvez classer le petit ailier de Sélestat Nathy Camara. Son père et sa mère donnaient plutôt dans l’athlétisme. Jugez plutôt : maman a fait la finale du 4x100 mètres aux JO de Barcelone et a été double vice-championne d’Europe du 60m en salle. Pour papa, c’était plutôt le triple saut, dont il a été champion du monde en salle en 1993. Et pourtant, le fiston, les tours de piste ne l'ont jamais vraiment attiré. “Quand j’étais petit, tout le monde me disait tellement que j’allais faire de l’athlé que ça m’a saoulé. J’étais en mode petit con et j’ai décidé de faire autre chose. Quand je suis entré au collège, il y avait du handball à l’AS, je m’y suis mis et comme j’y prenais du plaisir et que continuer me donnait plus de chance de rester avec mes potes…” sourit-il, du haut de ses 25 ans. Et ainsi l’aventure handball était lancée.
"Sur le terrain, j'ai juste envie de courir partout"
Un pôle espoir à Istres, un passage à Montélimar avant, comme il le qualifie lui-même, “un coup de chance”. L’ailier gauche de Besançon, Hugo Bedel, se blesse gravement. Le GBDH cherche un joker et tente le pari Camara, qui à 21 ans, n’a jamais évolué plus haut que la nationale 1. “J’avais déjà été en contact avec eux, mais c’est sûr que cet événement a tout précipité. Je ne suis pas mis de pression pour montrer que j’avais le niveau, j’ai surtout pensé à prendre du plaisir. J’étais un peu curieux de voir comment les choses allaient se passer, de savoir si j’avais le niveau pour jouer en Proligue” se souvient l’ailier gauche. Qui va vite avoir des réponses à ses questions. 71 buts en 19 matchs qui lui ouvrent la porte du Cavigal Nice, où il va continuer à franchir les paliers, dont celui des 100 buts inscrits en championnat, avant de rejoindre Sélestat en 2018. Où il continue à déployer un jeu original, fait de courses, d’arabesques et de beaucoup d’instinct. “J’ai toujours été comme ça, et on me décrit souvent comme atypique. J’ai tendance à être un peu fou, s’il y a un truc à tenter, je le fais. Sur le terrain, j’ai juste envie de courir partout” rigole-t-il.
On mettra ça sur le compte de la génétique familiale, sans doute. Mais papa et maman ne sont pour rien dans ces passes à effet et dans ces buts du milieu de terrain qu’il a déjà inscrits en quatre journées de Proligue. “Je m’inspire de ce que je peux voir sur internet. Je tente plein de trucs à l’entrainement, si je veux le faire le weekend, il faut que ce soit parfait” continue ce joueur, que certains de ses entraineurs passés ont pu vouloir brimer, histoire qu’il rentre un peu plus dans le moule. Et qu’en est-il de Christophe Viennet, qui le dirige depuis plus d’un an ? “Il me laisse plus ou moins faire. Il dit que je suis plus relâché si on me laisse jouer comme je suis.” De son inventivité et de son génie, n’ayons pas peur des mots, Sélestat en aura bien besoin ce vendredi lors de Saran, la lanterne rouge du championnat. Avec une victoire, un nul et une défaite, le SAHB ne sait pas encore trop où se placer. Et la réception des Septors est un match qui déterminera quelle sera la couleur du début de saison. “Si on gagne, on dira que c’est pas trop mal. Mais si on perd, ça sera franchement pas très bon…” D’ici à ce que Nathy Camara fasse tout basculer d’une action du funambule dont il a le secret…
Kevin Domas
Crédit photo : Devoitine / Bocquenet