Raconter l’histoire qui lie Obrad Ivezic et la France, c’est forcément ouvrir la boite à souvenirs. Cela fait bientôt dix ans que le portier de Nancy joue dans notre pays mais, quand il a pris la décision d’y venir, il y a pourtant réfléchi à deux fois. “J’ai toujours voulu jouer en France. Mais, à l’époque je jouais en Roumanie, je disputais la Champions League. Alors quand Andrej Golic, mon agent, m'a proposé Sélestat, qui joue en deuxième division, j’ai un peu hésité” se souvient-il. L’objectif est simple : jouer la montée dans la foulée. Et la mission est accomplie au printemps suivant. Quatre ans plus tard, Ivezic, pourtant heureux en Alsace, décide de rejoindre Cherbourg. Une décision étonnante mais qu’il explique par sa situation familiale et qu’il ne regrettera absolument pas. “Choisir d’aller jouer à Cherbourg, ça a été une des meilleures décisions de ma carrière. Je voulais un club avec moins de pression parce que dans la tête, ce n’était pas simple avec mon papa malade” continue-t-il.
Et l’attitude des dirigeants de la JS quand son père est décédé, Obrad Ivezic l’évoque encore avec des trémolos dans la voix : “Ils ont tout fait pour moi. Les dirigeants ont tout organisé, ils m’ont emmené à l’aéroport pour que je rentre au pays, ils m’ont laissé prendre le temps dont j’avais besoin. Jamais je ne l’oublierai. Quand je retourne jouer là-bas, c’est comme retourner voir la famille.” Dans le Cotentin il va, selon ses propres mots, réaliser "la meilleure saison" de sa carrière. Au point d'attirer les regards des formations de l'étage supérieur, dont Tremblay, qu'il rejoint en 2015. Il s'y blesse gravement au genou, pour la troisième fois de sa carrière, et rejoint rapidement Nancy. Un choix humain, plus que sportif. Car, à regarder la liste des clubs où Ivezic a harangué les foules, on dirait presque que le gardien serbe privilégie la tranquilité des villes de province à l'agitation de la région parisienne. “Ce n’est pas faux. J’aime bien le côté tranquille, calme. Nancy, pour ça, c’est génial. Les gens te disent bonjour dans la rue, discutent, c’est une ville à taille humaine” répond-t-il.
Un grand regret : l'Euro 2016 raté
A l’heure de regarder en arrière et de tirer un pré-bilan, le portier n’a qu’un regret : celui de n’avoir jamais disputé de grande compétition avec son équipe nationale. Il était bien dans la liste des seize Serbes pressentis pour aller au championnat d’Europe en 2016. Mais la troisième rupture du ligament croisé du genou de sa carrière a brisé tous ses espoirs. “Dejan Peric m’avait appelé en début de saison et pour nous, c’est comme si Omeyer appelle un Français. Il me faisait confiance même si je jouais en Proligue. Mais une fois que j’ai raté l’opportunité à cause de cette blessure, je n’ai jamais été rappelé” déplore-t-il. Pour jouer avec la Serbie, il était même prêt, dit-il en rigolant, “à tout accepter”. Même à côtoyer le fantasque Darko Stanic, donc.
Si on excepte les absences en sélection, si Obrad Ivezic devait résumer ses dix ans en France, il ne prendrait qu’un mot : fierté. Non seulement car il a obtenu, en début d’année la nationalité tricolore mais aussi car il a sorti son épingle du jeu alors que rien n’était gagné d’avance. “On n’était pas très riche, il a toujours fallu se battre mais j’ai toujours cru en moi” souligne-t-il. Son amour pour son sport l’a fait avancer et devrait continuer à le faire dans les prochaines années puisque le portier pense déjà à l’après. Il a passé ses diplomes pour arbitrer et entraine déjà une équipe car il ne se voit pas abandonner le handball. Car la petite balle pégueuse, comme la France, a fait de lui le personnage adorable qu’il est devenu. “J’aime mon pays, la Serbie. Mais la France, c’est devenu ma maison aussi. Cet été, on était en vacances au pays et au bout d’un mois, je voulais rentrer. Je serai toujours reconnaissant pour ce que la France m’a apporté dans la vie” finit-il. Si ça, ce n’est pas une belle déclaration d’amour…
Kevin Domas
Crédit photo : Devoitine