Plaisir. Discutez un moment avec Jérémy Suty et c’est le mot qui reviendra certainement le plus. L’arrière gauche de Limoges est, serait-on tenté de dire, un handballeur un peu atypique, mais certainement pas en marge. Qui raisonne avant tout à l’affect et à la joie qu’il a d’évoluer sur le terrain. Et ce plaisir, il l’avait un petit peu perdu en route, du côté de Nîmes, où il a évolué pendant deux saisons avant de rejoindre le Limousin. A l’USAM, il est passé de serial-buteur quand il évoluait à Cesson-Rennes à “second couteau. Sans que je comprenne trop pourquoi. Je n’ai pas senti mon niveau baisser, je ne me suis pas senti vieillissant mais, à force de ne pas jouer, j’avais perdu le plaisir. En plus de me mettre une pression supplémentaire, car quand tu n’es pas beaucoup sur le terrain, quand tu y entres, t’as encore plus peur de mal faire”. Une expérience pas forcément à la hauteur de ses attentes qui l’a conduit à quitter le sud de la France un an avant la date prévue, pour rejoindre Limoges. Celui qui n’avait plus évolué en Proligue depuis huit ans et Dijon a-t-il trouvé un championnat transformé ? “C’est moins charognard que par le passé” rigole-t-il. “Quand j’ai commencé, c’était bien plus méchant, il y avait plus de coups bas. Là, on sent que des mecs de l’élite descendent, ça apporte une touche technique. Sur les quatre matchs que j’ai disputés, je peux déjà dire que c’est un autre monde.”
Un weekend de libre et hop, tout le monde dans le van !
Un autre monde sur le terrain, mais aussi en dehors pour ce passionné d’escapades. Car, on vous prévient, Jérémy Suty, c’est loin de n’être qu’un handballeur. Notamment grâce à son van qui le suit depuis ses années dijonnaises. Après des années d’enfance passées au camping, Suty et sa femme décident d’investir dans un combi au moment de prendre la route de la Bretagne. “J’ai toujours trouvé ça hyper convivial et c’était un mode de fonctionnement que je voulais reproduire. Et puis la Bretagne, c’est parfait pour ça. Quand j’étais à Cesson, on jouait le vendredi soir, on partait le samedi matin et on rentrait le dimanche soir. C’était l’occasion de faire autre chose” résume-t-il. Et l’habitude l’a suivie. Et il la partage désormais avec ses deux enfants et son chien. Et tout le monde dans la famille semble être devenu fan de ces échappées au long court. “La Bretagne, on l’a parcourue en long et en large. A Nîmes, il y avait plein de trucs à faire, comme le Pont du Gard, on a même été en Espagne avec. Et là, à Limoges, j’ai déjà ciblé plein d’endroits” avance celui qui, à 33 ans, peut se flatter d’un bilan carbone en vacances pas neutre, mais presque : “C’est la preuve qu’on n’a pas besoin d’aller au bout du monde en avion pour trouver des beaux paysages.”
La gourmandise, son pêché mignon
Car ce qui interpelle chez le néo-Limougeaud, c’est sa capacité à profiter des endroits où il a pu jouer. On le sent presque animé quand on parle de ses escapades en voiture, mais aussi quand il évoque la cuisine, son autre passion. Il y est venu progressivement, depuis ses débuts en professionnel à Dijon, où il a commencé à se faire ses propres repas. Un amour pour la table qui prend, là aussi, racine dans son enfance. “Je suis assez gourmand et déjà tout petit, j’adorais aller manger chez ma grand-mère. La grande table, un beau repas, cela m’a toujours attiré” se souvient celui qui, lors des premières années de sa carrière, se forçait pour manger la nourriture proposée lors de certains déplacements : “Certains soirs, ça me gonflait, c’était frustrant pour quelqu’un qui aime bien manger. Les hôtels ont fait de sacrés progrès en tout cas!” Et si on vous parlait, tout à l’heure, écologie, dans ce domaine aussi, Jérémy Suty met en avant, les produits du coin où il joue. “J’essaye d’ancrer ma cuisine dans le territoire où je joue. En Bretagne, c’était les galettes avec de l’andouille, dans le Gard, c’était l’aligot. Et à ce que j’ai pu voir, à Limoges, ça va être sympa aussi” sourit-il.
La cuisine est devenue tellement un dada que Top Chef n’a plus de secret pour lui. Et que, ne le dîtes pas trop fort, savoir ce qu’il va faire à manger le soir peut tourner à l’obsession. “A la maison, je me fais engueuler parce que j’y pense trop ! Des fois, je peux me lancer et rester deux ou trois heures à faire quelque chose. Quand des gens viennent à la maison, j’y pense trois jours avant” sourit celui qui, au fil de sa carrière, a pu échanger avec les autres gastronomes que sont Maxime Derbier et Rémy Salou. Et qui n’oublie pas de ramener un petit quelque chose à manger pour ses coéquipiers les soirs de match : “La dernière fois, j’avais fait des petites pâtés à la viande. C’est mieux que les chips, non ?” On n’en doute absolument pas. On vous avait prévenu, Jérémy Suty est un profil atypique dans le monde du handball. Vous voulez une dernière preuve ? Les réseaux sociaux, il ne connait pas. “Franchement, je ne pense pas que ça puisse m’apporter quoi que ce soit. C’est peut-être le seul domaine où j’ai l’impression d’être un peu à la ramasse. Mais pour le reste, j’ai juste envie d’être moi-même” conclut-il. Pourvu que ça dure.
Kevin Domas
Crédit photos : Armaphotos