Ma première licence
"C’était à Lomme, dans le Nord-Pas-De-Calais, dans la banlieue de Lille. Je devais avoir sept ans. C’est un club où mon grand-père était président et où mon père avait été joueur en N1B (équivalent de la D2). J’ai eu là-bas deux entraîneurs très importants pour moi: Hervé Vlaminck et Pascal Hamraoui. Hervé, lui était un peu l’âme du club, il faisait un peu tout dedans. Pascal, lui, ne venait pas du tout du hand, c’était juste un copain d’Hervé. Mais il nous a appris ce qu’était l’esprit d’équipe, les valeurs du vivre ensemble. Il m’aura vraiment marqué car c’était un éducateur dans l’âme, un vrai bénévole. C’est ce que j’aime dans le handball."
Mon premier match avec les pros
"J’avais 18 ans et c’était avec Villeneuve d’Ascq. C’était assez prémonitoire puisque c’était à Cesson. (sourire) Je n’ai pas fait une minute sur le terrain, mais je me souviens avoir pris une énorme branlée au tarot sur la route. (rires) Après, j’ai fait 4/5 mois de banc. Et à l’époque, il n’y avait pas de centre de formation, donc j'ai passé cinq mois sans fouler un terrain. Et puis, un match à domicile contre Nancy a lancé vraiment le truc. Rabah Soudani, qui était notre arrière droit, était un peu mal en point et j’ai eu la grande chance que Yohann Delattre pousse un peu auprès de notre coach de l’époque, Milenko Kojic, pour qu’il fasse un peu plus joué les jeunes. J’avais joué une partie du match à droite, et je fais 3/3 en deuxième période. Et je me souviens de Milenko qui m’avait fait une bonne grosse bise à la Yougo à la fin, pour me dire: « Je peux compter sur toi ». (rires)"
Mon premier contrat pro
"C’est quand on monte avec Cesson, en 2009. On n’était pas professionnels à l’époque. Avant ça, j’étais semi-pro. On avait un petit budget, il devait y avoir un ou deux pros dans l'effectif. Et je me souviens que cette année-là, j’avais vu deux trois mecs qui étaient pros, mais moi ça n’avait jamais été objectif. Je voulais juste jouer au handball au plus haut-niveau possible, et jouer avec les copains. Et là, je me suis aperçu que je pourrais peut-être en vivre. Du coup j’ai arrêté les études, ce que je ne conseille à personne maintenant. (sourire) Après, je signe finalement pro, et à ce moment-là je me dis surtout: « je vais avoir un bel appart et je vais pouvoir vivre de ma passion ». (sourire) Je ne tirais pas de plans sur la comète à l’époque.
Il faut savoir qu’à ce moment-là, on monte avec Cesson, et tout est compliqué. On avait un budget à 800 000 euros, et il fallait trouver 400 000 euros pour boucler le budget. Et à une semaine de rendre notre dossier, il manquait encore 80 000 euros. Au final, ça s’est joué le soir de la montée. On finit au fameux Pym’s, avec la bande de fous furieux de l’époque. On sort de là farcis à 7h du matin pour aller bouffer une galette-saucisse, et le videur nous dit que le patron voulait nous voir, qu'il veut nous aider pour boucler le budget. On ne savait pas qui était le mec, mais il s’est avéré qu’il avait gagné 39 millions d’euros à l’Euromillions. Et ce monsieur, qui s‘appelle Guy Betin, était Cessonnais, et voulait nous filer un coup de main. Alors tu imagines bien que ce moment-là, je suis encore loin de m’imaginer que je puisse faire une aussi longue carrière. (sourire)"
Mon entraîneur le plus marquant
"Yohann Delattre. Je l’ai eu au pôle de Dunkerque dans un premier temps. Moi je ne suis pas rentré en seconde, car je n’avais pas trop envie, c’était un peu loin pour moi. (sourire) Mais il est venu me pousser un peu, et au dernier moment, j’ai dit ok. Yohann, c'est quand même quelqu’un d’assez charismatique, dans le Nord-Pas-De-Calais, il y a deux icônes du handball, lui et Bastien Lamon. Et quand tu as 17 ans, et que tu sais que ton entraîneur est un ancien champion du monde, que tu vas aller à Dunkerque t’entraîner à côté des pros, ça fait quelque-chose. Il a une aura naturelle, ça a été un mentor pour beaucoup d’entre nous, comme Erwan Siakam. Voilà, c’est lui qui m’a formé. En plus il a repris ensuite Villeneuve d’Ascq en D2. Il a suivi toute ma période entre 15 et 20 ans, avant que je décide de partir à Cesson. Je lui dois une grosse partie de ma carrière, et je ne le remercierais jamais assez. Après, il y a aussi mon père, qui m’a entraîné en 14 et 16 ans. Il a été parfois dur avec moi, je n’ai pas toujours compris. Mais il m’a fait jouer partout, même à l’aile droite. Il ne m’a pas forcément poussé à être handballeur de haut-niveau, mais il a été très important dans ma formation."
Mon coéquipier le plus fort
"Il y en a un qui ressort tout de suite, c’est Frederic Pettersson. J’ai toujours bien aimé jouer autour des pivots, et Fred il a cette capacité à attaquer, à défendre, à être le premier sur engagement rapide. Il a un volume de jeu impressionnant. Et les lendemains de match, je le voyais faire de l’haltérophilie à faire des arrachées à 120 kilos. Et à côté de ça, c’est une crème, un mec en or. Après, il y a eu aussi Dougi (Mladen Bojinovic, ndlr), avec qui je n’ai joué que six mois. Il était aussi stratosphérique. Bon, lui, il ne soulevait pas de la fonte le lendemain de match. C’était plus son Coca Light. (rires) Et enfin, il y a aussi quelqu’un qui n’était pas forcément fort dans les tous les compartiments du jeu, c’est Richard Demaret. C’était mon capitaine à Lille et était un défenseur hors-pair, vraiment très intelligent et un formidable capitaine."
Mon coéquipier le plus fou
"J’en ai eu un paquet. (rires) Maxime Desrumeaux. Personne ne va le connaître mais bon. (rires) J’aurais pu le mettre dans la catégorie des joueurs les plus forts, car il n’a pas eu la carrière qu’il aurait du avoir. Mais c’était un pivot à Villeneuve d’Ascq. Je suis arrivé jeune là-bas, et j’ai eu la chance de jouer vite avec les problèmes financiers qu’ils ont rencontré, et « Starsky » était sûrement l’homme le plus fou que j’ai pu rencontre sur et en dehors d’un terrain de handball."
Mon meilleur ami dans le handball
"Martin Cottarre. On s’est aussi croisé au pôle. On a fait les -18 ensemble, on a joué à Villeneuve ensemble. Après, nos chemins se sont séparés, lui a notamment joué au Cavigal, mais il est toujours resté mon ami."
L'adversaire le plus difficile à affronter
"Vincent Gérard était quand même une bête noire pour moi. Il était déjà à Metz, en D2, quand je commençais à jouer et c’était déjà très compliqué de le contourner. Et c’est vrai qu’à chaque fois que j’ai joué contre lui, je n’ai pas souvent été très performant. Il avait cette capacité à lire les tirs, à rentrer dans la tête… Vincent, c’est mon ami, mais je dois dire qu’il fait partie des joueurs que je craignais un peu à chaque fois que je me retrouvais en tête à tête avec lui."
Le meilleur moment de ma carrière
"Il y a trois moments que je vais retenir. Le premier, c’est lorsqu’on s’est sauvés avec Villeneuve d’Ascq, l’année de mon départ. C’était contre Bordeaux, la salle Marcel Cerdan était blindée et on avait réussi à décrocher le maintien. On a aussi fait un super parcours en -18 avec l’équipe du pôle Espoirs. On avait fini troisièmes il me semble. Et puis il y a la montée avec Cesson, forcément. C’est là où tout a commencé. Je ne sais pas si on pourrait le faire à nouveau maintenant, parce qu’on avait quand même une équipe de bras cassés. (rires) Mais il y avait des personnalités très fortes qui se sont mis au service d’un projet, d’un club, d’une ville. Ca reste un très grand moment."
Le pire moment de ma carrière
"L’affaire des paris. Pour tout ce que ça a engendré comme mal pour le handball en général. Mais surtout pour nous. C’était notre premier match au Liberté, à Rennes. On avait des bénévoles qui s’étaient démenés comme des chiens. Je me souviens qu’il y avait 4000 sièges, mais qu’il étaient tournés à 45° pour voir la scène de spectacle. Et les bénévoles avaient redressé les sièges un par un à la clé à molette pour que les gens puissent être face au jeu. La mairie n’avait pas aidé, c’était le club qui s’était démerdé de A à Z. Au final, on fait un super match contre Montpellier, on gagne… pour que tout soit gâché derrière.
Ca a vraiment couté de l’argent au club, on a perdu des sponsors. Et puis nous, en tant que joueurs, on était traqués par les médias pendant 48h. On avait les caméras de BFM devant la salle. On n'était pas prêt à affronter ça. Mes parents étaient aussi dans les tribunes. Et tu gagnes pas souvent contre Montpellier, ma famille était fière, et derrière, pour une connerie, même si je ne veux pas les juger, ça a gâché pas mal de choses."
Un regret dans ma carrière
"Ne pas avoir joué une Coupe d’Europe. Même une petite, un tour ou deux. (sourire) J’aurais aimé me déplacer au fin fond de l’Ukraine, de la Russie, c’est une expérience que j’aurais aimé vivre. Si je suis partie de Cesson pour Tremblay, c’était pour ça aussi. Ils venaient de faire une finale de Coupe EHF, ils venaient de faire plusieurs campagnes. Moi, mon rêve c’était de jouer à ce niveau. Et finalement je n’ai jamais pu le faire..."
Ma décision d'arrêter
"Sur ce point, je dois dire que Rémi Calvel m’a pourri mes vacances de Noël. (rires) Très concrètement, je ne m’étais pas vu arrêté. Le 15 décembre, on s’est d’ailleurs vu avec le club de Limoges pour faire une année de plus car même si je prenais de l’âge, je n’avais pas l’intention de m’arrêter. Je me voyais bien faire une année de plus. Et là, Rémi m’informe qu’il va passer numéro 2 à Toulouse, derrière Danijel Andjelkovic et qu’il ne voyait que moi pour reprendre le centre de formation qu’il avait en charge depuis deux ans. Quand je suis parti de Toulouse à l’époque, c’était déjà dans les tuyaux que je rentre un peu dans le staff. Ca fait trois ans que je me suis mis vraiment dans l’entraînement avec les jeunes.
Je me suis donc posé avec ma femme, et c’était une offre en or au niveau du poste: avoir autant de responsabilités dans un club que je connais, où il me reste beaucoup d’amis, dans une ville que j’adore. A Limoges, je n’avais pas forcément la possibilité de faire quelque-chose après, alors j’ai pesé le pour et le contre, et c’était peut-être le bon moment. Je sors d’une saison bien remplie avec Limoges, avec notamment une première partie de saison réussie, et un maintien décroché, ce qui était notre objectif. Mon contrat était aussi rempli, puisque je voulais disputer une dixième saison en Lidl Starligue. C’était le moment de tourner la page. Je tiens d’ailleurs à remercier le club de Limoges, qui m’a libéré du temps pour préparer mon après-carrière cette saison. J’ai été chanceux par rapport à ça."
La vie d'après...
"Il y a pas mal d’appréhension, forcément. Ca fait 17 ans que je fais du handball de haut-niveau. Tout est allé très vite en plus, ma décision a été prise en quinze jours. Maintenant j’appréhende car je ne suis pas encore entraîneur, je le dis honnêtement. Je pense en avoir les compétences, la capacité, mais il faut maintenant se jeter dans le grand bain. Je sais que l’aspect joueur me manquera: les vestiaires, l’ambiance d’un groupe, le partage. Mais je vais switcher assez vite, car je n’aurais qu’un mois de vacances, durant lequel je vais notamment devoir gérer le déménagement. Ca va aller vite, je n’aurais pas trop à ruminer… (sourire)"
Le retour dans le Nord ?
"Ce n’est pas pour tout de suite, non. (sourire) Ca a longtemps été un objectif, j’aurais rêvé de jouer à Dunkerque. C’est un club qui fait rêver tous les Nordistes. Mais aujourd’hui, tout ça n’est plus d’actualité, ça fait trop longtemps que je suis parti. J’adore le Nord, ses valeurs, mais il fait quand même toujours très gris. (rires)"
Benoît Conta